J’ai pendant longtemps eu du mal à déterminer ce qu’était un ami. Je veux dire, vraiment. Plus loin que le fait de deux personnes qui s’apprécient et se soucient l’un de l’autre.
J’ai eu ces moments de « besoin de classification ». Pas de numéroter mes amis par ordre de préférence, mais réussir à déterminer à qui je pouvais vraiment faire confiance, à qui je laissais la porte ouverte. J’avais besoin de distinguer les camarades des copains des amis des meilleurs amis. Parce que j’avais peur de me faire mal en n’établissant pas clairement cette limite. Je n’aime pas forcément catégoriser, encore moins dire « toi tu as moins d’importance que toi ». Le fait est qu’on est quelque part obligé d’évaluer la complicité, la confiance que l’on peut avoir en les autres pour pouvoir se protéger sans se fermer au monde. Et au fond ce n’est pas une question d’importance, c’est une question de feeling, une question de compatibilité. Et sans en faire le choix, il y a des gens qui me manqueront, que j’aurais envie de voir quand ils ne sont pas là. D’autres avec qui je serai très contente de passer un moment mais qui ne me manqueront pas nécessairement quand je ne les vois pas, sans pour autant que je ne pense jamais à eux. Il y a ceux vers qui je me tournerai dès que j’ai envie/besoin de partager quelque chose, et ceux avec qui je partagerai des anecdotes mais ne parlerai pas forcément des sujets profonds.
Il y a les amis avec qui c’est si facile d’entretenir la relation, ça ne demande aucun effort, aucun pense-bête, c’est juste naturel. Limite c’est l’inverse qui est contraignant. Ne pas parler à certains de mes amis de manière très régulière, ça me plombe parfois le moral. J’aime échanger ne serait-ce qu’un texto, un poke ou un « hello » rapide sur un chat avec eux, me dire que je leur ai passé le bonjour pour la journée.
Il y a les autres avec qui c’est parfois plus difficile de rester en contact et qui fait que l’on discute moins souvent, et que je dois me rappeler qu’il faut que je le fasse. Ce n’est pas un calvaire, loin de là, mais c’est moins naturel, je ressens moins le besoin de les voir, tout en les appréciant, peut-être parce qu’on a moins en commun. C’est compliqué à expliquer, parce que j’aime aussi ces relations, j’aime ces moments espacés parfois de plusieurs semaines entre deux discussions, ça amène quelque chose de particulier à la conversation et aux liens qui nous unissent.
Là où j’essaye d’en venir, c’est que camarades, copains, amis ou plus, tous ont leur importance. J’ai besoin de chacun de ces gens parce que les choses sont différentes avec tout le monde. Je ne serai pas pareille avec deux amis différents. Je serai encore différente si je les vois ensemble. Chacun a quelque chose à m’apporter, quel que soit son âge, son sexe, l’origine de notre rencontre.
J’ai mis du temps à réaliser ce que c’était vraiment un ami, et quand j’ai rencontré les personnes qui sont aujourd’hui mes plus proches amis, j’ai réalisé que je ne connaissais franchement pas tout de l’amitié, avant, et surtout pas la « vraie » (si je puis dire), la profonde, celle qui fait prendre au sens « aimer » une toute autre dimension. Je ne pensais pas qu’il était possible d’aimer quelqu’un en amitié autant qu’en relation amoureuse. C’était même pas quelque chose que j’imaginais, je n’avais même jamais envisagé l’idée. Jusqu’au jour où je l’ai ressenti. J’me rends compte que c’est pas une chance que tout le monde rencontre, et j’ai parfois peur que les gens ne comprennent pas, soient effrayés par la puissance de mes sentiments amicaux pour certains de mes amis. Qu’ils confondent et me croient amoureuse de gens que je n’imaginerai jamais sous cet angle. C’est encore une question de perception et d’analyse de sentiments, j’imagine, et je me moque un peu de ce qu’en pensent des inconnus, mais je ne veux pas être incomprise par mes proches. Je ne tiens pas non plus à ce que le jour où j’ai un mec, il se sente menacé par ça, ou qu’il en soit jaloux.
Je comprends la jalousie mais j’ai du mal à me faire à l’idée que les gens s’imaginent que l’amour que l’on peut ressentir est limité à un certain nombre de gens et que du coup, trop aimer quelqu’un d’autre empiète sur l’importance d’une autre relation, sur sa légitimité. On peut envier une relation, cela ne veut pas, pour autant, dire que celle que l’on a avec cette personne est moins importante, perd de sa valeur. S’en est juste une autre. Il est important de savoir laisser la place aux relations de l’autre dans sa vie, respecter ses liens. L’autre étant n’importe quelle personne de son entourage. Je dis « les gens s’imaginent », je m’inclue dedans, ça m’arrive aussi. Je ne comprends juste pas pourquoi je n’arrive pas à assimiler ce fait, parfois. Ça reste rare et léger, alors je ne m’en plains pas trop.
Je reste toujours incapable de définir exactement ce que c’est un ami, même si je le ressens et même si je sais que j’en ai. Chaque amitié est différente, chaque ami est différent, je n’aurais pas les mêmes « intérêts » (si je puis appeler cela ainsi) avec chacun, et je ne définirai pas l’amitié de la même manière en fonction de l’amitié en question dont je parle, alors je ne prétendrai pas définir un concept qui a tant de variations. Mais je suis heureuse d’avoir pu faire la paix avec ces définitions et ces différences auxquelles je ne peux rien. Oui, certains amis seront peut-être plus essentiels. Mais ceux qui sont peut-être moins présents dans ma vie comptent tout de même pour moi et je ne tiens pas à les perdre pour la simple raison que notre amitié est périodique, en quelque sorte. Continuer à aller demander des nouvelles me prouve que je tiens à ces personnes mêmes si les liens semblent lointains. Ils sont toujours là, et au fond, c’est ce qui importe.
Je terminerai sur cette vidéo de Ze Frank, sieur qui tend à énormément m’inspirer, et qui dit des choses qui me parlent beaucoup. Si vous comprenez l’anglais, hit play.